10 jours de confinement … ou 10 anecdotes sur le vin et son histoire

Ce matin en me levant, j’ai été frappée par la dangereuse hauteur de la tour non pas de Pise (celle-ci est peu recommandée par les temps qui courent), mais celle de livres qui se dresse depuis quelques mois sur ma table de chevet. J’ai donc décidé de profiter de cette période de confinement pour avancer dans mon programme de lecture.

Parmi les premiers ouvrages au bord de la chute, et qui nécessitent donc une prise en charge d’urgence, se trouve L’Incroyable Histoire du Vin, De la Préhistoire à nos jours, 10 000 d’aventure de Benoist Simmat et Daniel Casanave. Sur une dizaine de chapitres, cette BD retrace (comme son titre l’annonce) l’histoire du vin de façon pédagogique et avec humour !

Aussi, pour vous changer les idées en ces temps de confinement, je me propose de vous partager à chaque jour, et dès aujourd’hui, une anecdote ! En espérant ainsi vous faire voyager à travers le temps et l’espace, tout en respectant les consignes en vigueur…

Jour 1 – Anecdote 1 : Les origines du vin. D’après les recherches menées par les archéologues, le vin serait apparu en 8000 av. JC, dans le Croissant Fertile (région située entre le Caucase et la Mésopotamie). Le premier peuple a mentionné la présence de vin est le peuple sumérien au XXIIIe siècle avant JC. Puis, à partir du IIIe millénaire avant JC, le vin se développe en Égypte. Les Égyptiens, qui en raffolent, accordent à la boisson une dimension sociale et sacrée (notamment pour le culte d’Osiris, le dieu des morts). La vigne est alors cultivée sur les berges du Nil. Après les Égyptiens, le peuple juif va poursuivre le développement du vin, et renforcer le lien entre le produit et le sacré. En témoignent les nombreux extraits de l’Ancien Testament évoquant cet alcool (notamment avec Noé) ainsi que la région de Judée (la Terre Promise) favorable à la plantation de la vigne. Le peuple juif, qui est alors semi-nomade, conçoit également de nouveaux outils pour transporter le vin sur de longues distances. L’outre voit le jour !
C’est la mise en place de ces « méthodes de transport » qui va permettre la commercialisation du vin et la très large expansion de la vigne durée l’Antiquité grecque et romaine…

Jour 2 – Anecdote 2 : L’apparition des écrits techniques. Les civilisations grecques et romaines mettent le vin à l’honneur. Le nectar est associé au dieu grec Bacchus et à son pendant romain Dionysos, et il est célébré lors des fêtes qui se rapportent à ces divinités. Mais ce qu’il faut retenir de ces deux civilisations c’est l’apparition des textes techniques qui, dès lors, guident les activités vitivinicoles. Le premier auteur à citer est sans doute l’écrivain grec Hésiode avec son ouvrage Les Travaux et les Jours, datant du VIe siècle avant JC. Puis, au IIe siècle avant JC, l’agronome carthaginois Magon consacre certains de ces vingt-huit volumes d’agriculture à la viticulture. La portée de ces textes est telle que lorsque les Romains incendient Carthage en -146, le Sénat exige que les écrits de l’agronome soient rapatriés à Rome et traduits en latin. De plus, avec la révolution agraire et les conquêtes qui ont lieu pendant la République romaine, les auteurs latins ne vont cesser de traduire et de reprendre les écrits de Magon. C’est notamment le cas de Virgile, Caton et Columelle. Au Ier siècle de notre ère, un nouveau tournant a lieu à Rome : le vin prend de l’importance dans l’économie de la cité. Le naturaliste Pline l’Ancien s’intéresse alors en profondeur à la viticulture, la viniculture et l’œnologie. Les principes d’origine des vins et de datation des millésimes sont également initiés par les Grecs et les Romains : les vins sont identifiés selon leurs régions (où leurs îles) de provenance, et en Italie seize « grands crus » sont identifiés (les vins de Sorrente et de Falerme sont les plus célèbres de l’époque). Pour le millésime, les Romains indiquent le nom de du consul romain en poste lors de la « mise en amphore ». Enfin, parallèlement au développement de ces techniques, les notions de gastronomie et d’accord mets et vins apparaissent. Cette fois-ci, c’est vers l’ouvrage de cuisine du Romain Apicius qu’il faut se tourner, De Re Coquinaria : le vin est considéré comme le premier ingrédient de nécessité de la cuisine latine !

Jour 3 – Anecdote 3 : Les Gaulois et la naissance des vignobles français. Avec l’expansion de l’empire et la mise sous tutelle de certains territoires, les Romains apportent le vin en Gaule et dans la culture gauloise. Dans certaines régions, les Gaulois délaissent la cervoise (la bière) au profit de la boisson issue de la vigne. C’est également à cette époque (du Ier au IIIe siècle après JC) qu’apparaissent quelques-uns des grands vignobles français. La vigne s’implante d’abord en Narbonnaise (région qui s’étend sur tout le pourtour méditerranéen gaulois et qui remonte jusqu’à la ville de Lugdunum, connue aujourd’hui sous le nom de Lyon). La culture du vin se développe également à l’ouest, notamment du côté Gaillac et de Burdigala (Bordeaux). L’ouverture de Burdigala sur l’océan Atlantique permet la rapide exportation des vins de la région vers des pays nordiques comme l’Hibernie -l’actuelle Irlande. Le vignoble de Bordeaux n’est pas le seul grand vignoble français à naître à cette époque. A l’est, le long du Rhône, du côté de la ville de Vienne, le peuple gaulois des Allobroges façonnent les vignobles de la Côte-Rôtie et de l’Hermitage. Ils donnent leur nom au cépage « l’allobrogique », très probablement parent du syrah et du viognier. Plus au nord, la Bourgogne s’affirme aussi comme région viticole : à l’est d’Autun, le peuple des Eduens travaillent les vignes des futures Côte de Beaune et Côte de Nuits. La multiplication des vignobles en Gaule à cette époque ne tient pas uniquement de la découverte de grands terroirs, le contexte politique lui est également favorable : à la fin du IIe siècle, l’empereur romain Probus, via un édit, autorise tous les habitants de l’empire romain à cultiver la vigne. En plus, avec le développement du commerce sur les fleuves et les rivières, le vin commence à être acheminé dans de nombreuses villes de Gaule et au-delà !

Jour 4 – Anecdote 4 : Le vin en Orient. Le vin ne se développe pas qu’Occident, il est également beaucoup apprécié dans l’empire romain d’Orient. La plaine de la Bekaa (actuel Liban) est l’une des principales régions de production de l’empire, en témoigne le temple de Bacchus à Balbek. Mais si les Romains aiment le vin, ce n’est rien comparé à la Perse Antique : la dimension sacrée de la boisson est encore accentuée ! A l’époque des Sassanides (dynastie à la tête de l’empire perse de 224 à 651*), à la cour du roi Bahrâm, se tient des cérémonie durant lesquelles les convives dégustent du vin pendant trois jours sans interruption… Mais l’anecdote la plus amusante à retenir de cette civilisation perse est sans doute celle de la création mythologique du vin : dans des temps ancestrales, le roi Jamshid était extrêmement friand de raisin. Pour pouvoir en déguster toute l’année, il le faisait conserver dans des jarres. Un beau jour, les raisins – qui y étaient sans doute restés trop longtemps et avaient dû entamer une fermentation – se mirent à former une substance étrange. L’hypothèse avancée fut alors celle d’un empoisonnement de la jarre. Ce même jour, une des servantes du roi était dépressive et décida de boire le jus de raisin (supposé) empoisonné pour mettre fin à ses jours… Comme vous pouvez vous en douter, à la place de mourir – sous le coup de l’alcool – elle se mit à rire. La servante ayant retrouvé sa joie de vivre, le breuvage fut déclaré sacré ! [*https://www.larousse.fr/encyclopedie/groupe-personnage/Sassanides/143296 ]

Jour 5 – Anecdote 5 : Le vin comme remède. Aux temps médiévaux, dans différentes civilisations, le vin est utilisé à des fins médicinales et sanitaires. Tout d’abord, au XIIe siècle, le médecin et philosophe arabo-islamique Avicenne, recommande la consommation de cette boisson pour le traitement de certains maux. En Occident, de nombreuses vertus sont données à cet alcool. L’eau étant alors très souvent salubre, le vin lui est souvent préféré (pour les adultes comme pour les enfants !). Il la remplace aussi dans la cuisine, notamment pour les cuissons de viandes et de légumes. Au XIIe siècle, l’homme d’Eglise Benoît de Clairvaux recommande la prise d’un verre de vin par repas. Comme en Orient, la dimension médicinale du vin est également reconnue : il est administré aux malades comme remède ou sert de désinfectant pour le traitement de blessures. [https://avis-vin.lefigaro.fr/wine-box-par-my-vitibox/o122971-comment-faisait-on-le-vin-au-moyen-age/ https://www.franceculture.fr/emissions/lessai-et-la-revue-du-jour-14-15/le-vin-et-la-medecine-revue-le-rouge-le-blanc ]

Jour 6 – Anecdote 6 : La naissance des châteaux bordelais. Au XVIIe siècle, le commerce du vin se développe en Europe, notamment avec les pays du Nord – la Hollande, la ligue hanséatique, l’Angleterre… – et l’émergence de ports commerciaux comme Amsterdam. Les vins bordelais, et surtout les new french clairets*, sont très prisés des riches consommateurs britanniques. Aussi, certains domaines -notamment dans le Médoc – obtiennent leurs titres de noblesse à cette époque, tels que : Margaux, Haut-Brion, Lafite, Latour… Fructueux débouchés, ces vignobles deviennent l’apanage de la noblesse parlementaire bordelaise qui afflue dans le Médoc et se fait construire de somptueuses villégiatures au pied des vignes. Parmi ces « princes des vignes », la famille Ségur, à la tête des domaines Latour et Lafite, s’affirme par ses magnifiques bâtisses ainsi que par le développement du bourg de Pauillac. *New French clairets : vins de terroir bordelais [ Eric Bernardin, Pierre Le Hong, Crus classés du Médoc, Le long de la route des châteaux, 2010, ed Sud-Ouest, 208p / Alain Beschi, Claire Steimer, Estuaire de la Gironde, Paysages et architectures viticoles, 2015, Région Aquitaine, Poitou-Charentes, Inventaire Général, Département de la Gironde, Images du Patrimoine, 192p.]

Jour 7 – Anecdote 7 : La genèse du vignoble sud-africain. Le vignoble de la région du Cap apparaît suite à l’arrivée des Hollandais à la tête de la Compagnie des Indes Orientales au XVIIe siècle : en 1659, le premier vin est produit au Cap. Le développement du vignoble est également lié à la venue des Huguenots qui, fuyant les répressions religieuses européennes, s’installent en Afrique du Sud et y apportent leurs connaissances en viti-viniculture. Ainsi, le vignoble de Constantia est fondé en 1685. Au XIXe siècle, le phylloxéra fait rage en Europe, le vieux continent voit alors arriver sur ses tables les vins du « Nouveau Monde », dont les vins d’Afrique du Sud. Cependant, en quelques décennies, cette expansion est mise à mal en raison des guerres (notamment la guerre des Boers) et des systèmes ségrégationnistes qui se mettent en place dans le pays. [Roger Barlow, Mark Rowlinson, Les 101 Régions du vin, A la découverte des plus grands vignobles, 2014, Paragon, 240p / https://www.lalibre.be/supplement/essentielle-vino/l-afrique-du-sud-la-rencontre-du-vin-et-de-l-histoire-58b82c67cd709978e57e01e9.]

Jour 8 – Anecdote 8 : La Prohibition aux Etats-Unis. Suite à la pression exercée depuis plusieurs décennies par les églises évangéliques protestantes et des ligues de tempérance, l’amendement XVIIIe interdisant la vente et la fabrication de boisson alcoolisée sur le sol états-uniens est adopté en janvier 1919. Si le but de ce mouvement « puritain » était de ramener la morale au sein de la société américaine, les conséquences furent autres. En effet, le mouvement a connu une forte opposition, notamment dans les grandes villes du Nord-Est, et les années 1920 se sont avant tout caractérisées par la vente illégale d’alcool et l’augmentation de la criminalité. La figure du gangster Al Capone est d’ailleurs indissociable de la prohibition : instigateur du « syndicat du crime« , en 1927 son revenu annuel illicite s’élève à 60 millions de dollars. [Jacques Portes, Les Etats-Unis de Lincoln à Truman, Politique et Société, 2013, Sedes, 224p. / Bernard Vincent, Histoire des Etats-Unis, 2012, Champs Histoire, 684p]

Jour 9 – Anecdote 9 : Les vignobles français sous l’Occupation. Suite à la défaite en mai-juin 1940, une partie de la France est sous l’occupation allemande. Le vin étant alors un produit très recherché, les autorités allemandes s’intéressent de près aux vignobles français. Dans chaque région viticole française est désigné un Weinführer (un « marchand de vin en uniforme ») chargé de « rapatrier » les boissons en Allemagne. Les vins de Champagne, Bourgogne et les grands crus bordelais sont les premières cibles. Du côté des vignerons français, certains participent à cette collaboration et connaissent un véritable essor de leur production. Cependant, suite à la libération (à partir de l’été 1944), le patriotisme revient « en force » et s’impose parmi les arguments commerciaux : sur les bouteilles, une vignette affirmant la non collaboration de la propriété avec les Allemands pendant l’Occupation apparaît. [https://www.vice.com/fr/article/zmjx8e/nazis-et-pinard-la-contre-histoire-du-vin-sous-loccupation/ https://www.youtube.com/watch?v=Iv7p-sa5ei4] ]

Jour 10 – Anecdote 10 : Le renouveau écologique. Depuis quelques années, le réchauffement climatique et les dérèglements environnementaux poussent à reconsidérer l’impact des modes de production sur l’environnement. Dans le secteur vitivinicole le respect de la biodiversité et du produit sont au coeur des réflexions écologiques. Ces objectifs sont d’ailleurs affirmés par les labels bio -et leurs dérivés– qui existent actuellement : le label bio européen, le label AB français, logo Demeter… Par ailleurs, spécifiques au vin, des philosophies ou des lignes conduites visant à valoriser l’essence du produit et à respecter son écosystème se développent : il s’agit de la biodynamie et des vins natures. Cependant, si elles sont une prolongation de l’agriculture biologie évoquée ci-dessus, ces méthodes de production ne sont définies par aucune législation ou règlementation, et bien que mentionnées sur les bouteilles, elles ne possèdent pas de label qui leur est propre. [https://www.touteleurope.eu/actualite/alimentation-a-quoi-sert-le-label-bio-europeen.html/ https://www.touteleurope.eu/actualite/alimentation-a-quoi-sert-le-label-bio-europeen.html/ https://avis-vin.lefigaro.fr/connaitre-deguster/o112612-qu-est-ce-que-le-vin-nature]

P.W.

Références de l’ouvrage : Benoist Simmat, Daniel Casanave, L’Incroyable Histoire du Vin, De la Préhistoire à nos jours, 10 000 ans d’aventure, Les Arènes de BD, 2019